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En mer, la solidarité envers les migrants n’a pas de frontière

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30 novembre 2018

Temps de lecture : 6 minutes

La CGT a organisé, le jeudi 15 novembre 2018, une rencontre réunissant l’International Transport Federation, l’European Transport Federation, les syndicats des travailleurs maritimes des pays riverains de la Méditerranée et d’Europe, ainsi que leurs confédérations. Il s’agissait de débattre des positions à adopter face à la question des migrants- naufragés et d’évoquer les conditions qui permettent aux travailleurs maritimes et à leurs organisations d’être à la hauteur de leurs obligations. A l’issue de cette journée, ils publient une déclaration commune qui interpelle l’Union européenne et les Etats membres pour qu’ils introduisent dans la législation une exception humanitaire rendant impossible la criminalisation de la solidarité.

Plus de 106 000 migrants ont rejoint l’Europe par la mer depuis le début de l’année. Pour la même période, l’Organisation internationale des migrations (OMI) a enregistré 2 119 décès. Dernier drame en date : le Mardi 27 novembre, un bateau de pêche espagnol se retrouvait avec 12 migrants à son bord, scotché en mer, par le refus des pays limitrophes de les accueillir : l’Italie, Malte interdisaient l’entrée de leurs ports, tandis que les services espagnols le renvoyaient vers la Libye. Aux dernières nouvelles, le bateau, à court de vivres, faisait route vers l’enfer libyen.

Les armateurs n’ont pas d’obligation, les capitaines oui

Les relations de tragédies n’en finissent plus. « Des bateaux de commerce passent en ignorant les migrants, selon de témoignages des naufragés eux-mêmes, déclare Jean-Philippe Chateil, secrétaire général de la Fédération des officiers de la marine marchande (Fomm affiliée à l’Ugict-CGT, alors que le sauvetage en mer est un devoir pour tous les marins ». Mais aujourd’hui les réfugiés ne pèsent rien face aux enjeux commerciaux. « Les armateurs font comprendre aux capitaines, sans jamais un ordre écrit, qu’il faut regarder ailleurs. Un porte-conteneurs de 8000 boites doit coûter en affrètement entre 15 ou 20 000 dollars par jour et le débarquement et les tracasseries envers le commandant, c’est ou 6 jours de perdus. Les armateurs n’ont pas d’obligation, les capitaines oui  », déplore cet officier qui a participé au sauvetage des boat people, au moment de l’exode vietnamien dans les années 1980. L’Association européenne des armateurs, The European Community Shipowners’ Associations (‘ECSA) déplore cette situation à longueur de communiqués sans trop s’attarder, constate le secrétaire général de la Fomm. « On ne sait pas combien de navires marchands ont récupéré de naufragés car les déclarations se font dans les ports »  précise-t-il.
Aujourd’hui, ce sont les patrons pêcheurs qui sont en but la justice de leurs pays respectifs, s’ils portent secours à des réfugiés naufragés. « Les pêcheurs tunisiens ont de gros problèmes maintenant, ils passent au tribunal en Tunisie accusés d’être des passeurs. Idem en Italie »
Une constatation qui peut paraitre anecdotique, mais qui en réalité dévoile l’ampleur de la tragédie : sur cet exode se développe un marché des canots pneumatiques « low cost » fabriqués en Asie, sorte de « canots kleenex » tout juste capable de prendre la mer sur quelques miles.
Pour faire face à cet exode l’Europe a mis en place Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes).

Tension entre Frontex et les douaniers

« Frontex aide les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à gérer leurs frontières extérieures. Elle contribue également à harmoniser les contrôles aux frontières au sein de l’UE. Elle facilite la coopération entre les autorités de surveillance des frontières dans les différents pays de l’UE, en leur fournissant une expertise et un soutien technique » dit le texte. Pour Jean Philippe Chateil « Frontex veut faire du tri et contrôler tout le monde. L’Agence voudrait que les douaniers jouent le rôle de la police. Mais de moins en moins de douaniers français seraient d’accord pour aller en Turquie ou à Lesbos. Frontex a donné de l’argent à la France pour construire un patrouilleur de 50 mètres et acheter des avions de surveillance… ».
« Aucun des dix navires de sauvetage, affrétés par des ONG, ne circule depuis le 26 août dernier, en mer Méditerranée centrale. Il s’agit de la plus longue absence depuis le début des importants mouvements migratoires, en 2015 » constatait Courrier International dans son édition du 15 septembre dernier. En effet le 24 Août, le Panama retirait son pavillon au navire de Médecins sans frontières « l’Aquarius ». Aujourd’hui, il est à quai en France.

Rendre impossible la criminalisation de la solidarité

Les navires marchands restent seuls sur la « Mare Nostrum » à pouvoir secourir les réfugiés. Compte tenu de la gravité de la situation le Fomm et la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT avaient déjà organisé un premier colloque le 14 décembre 2017. Face à l’aggravation de la situation, ce deuxième évènement débouche sur une déclaration commune des syndicats suivants : CGT (France), Ver.di (Allemagne), BTB-FGTB (Belgique), FSC-CC.OO. (Espagne), CGIL, UIL, CISL (Italie), CGTP-IN (Portugal), PCS, Nautilus International (Grande-Bretagne), International Federation of Shipmasters’ Associations (IFSMA).
La déclaration insiste en premier lieu sur l’obligation faîtes aux capitaines par plusieurs conventions internationales : Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982 ; Convention internationale pour la sauvegarde de la vie mer de 1974 « qui ne font qu’entériner un droit coutumier et qui veut que :  tout capitaine de navire a le devoir de prêter assistance à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer » précise Jean-Philippe Chateil. Elle déplore la criminalisation du sauvetage en mer (procédure judiciaires pour trafic illicite de migrants contre des capitaines, des pêcheurs, des équipages, des ONG…)

La déclaration demande entre autres :
• à l’Union européenne et aux Etats membres d’introduire dans leur arsenal législatif une exception humanitaire claire qui rende impossible la criminalisation de la solidarité ;
• aux armateurs des navires de mettre à la disposition des capitaines et équipages qui sauvent des vies assistance, soutien juridique et défense, s’ils se trouvent mis en cause par des autorités à terre.
• l’application de ces conventions dans la plus stricte légalité et de donner tous les moyens de leur effectivité.

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