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La pression professionnelle s’accentue sur les cadres

Les résultats du nouveau baromètre UGICT-CGT/SÉCAFI, réalisé par Viavoice, ont été révélés au cours du 18e congrès de l’UGICT qui s’est tenu du 20 au 23 mars 2018.

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6 avril 2018

Temps de lecture : 9 minutes

Les résultats sont clairs : la pression professionnelle s’accentue sur les cadres et les femmes y affirment désormais avec force une situation encore plus exposée. Les points forts de l’enquête.

L’instabilité des organisations du travail, le manque de visibilité sur leurs évolutions, l’absence de participation aux choix stratégiques des entreprises et des administrations… les cadres expliquent leur difficulté à jouer leur rôle contributif. Avec une charge de travail excessive, accentuée par à l’usage des outils numériques, près d’un cadre sur deux déclare travailler 45 heures ou plus par semaine. Ils aspirent à disposer d’un droit à la déconnexion effectif pour préserver leur vie privée et leur santé et cette aspiration est encore plus forte pour les femmes cadres.

D’autres éléments ressortent de ce baromètre. Ils soulignent les conflits de plus en plus fréquents avec leur éthique professionnelle. Près de 60 % d’entre eux souhaitent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités. Ils déplorent aussi le manque de reconnaissance salariale. Pour plus d’un cadre sur deux il est directement lié au déficit de reconnaissance des qualifications et des compétences, à l’absence de revalorisation salariale, conjuguée au tassement des grilles et niveaux de salaires qui génèrent un sentiment justifié de déficit de reconnaissance professionnelle. Tous les indicateurs passent au rouge.

Fait marquant de ce baromètre : malgré une forte charge de travail et des salaires inférieurs, les femmes restent très impliquées même si elles affichent un taux d’insatisfaction supérieur aux hommes.

Ce sont sur les critères « charge de travail » (61,3 % pour les femmes vs 52,8 % pour les hommes) et « implication » (62,5 % pour les femmes vs 54 % pour les hommes) que les écarts sont les plus grands. Ces résultats confirment la persistance des inégalités salariales femmes/hommes.

C’est la preuve que privées ou publiques, les entreprise ne s’engagent pas réellement pour lutter contre cette inégalité preuve que toutes les mesures mises en oeuvre jusqu’ici par le gouvernement restent insuffisantes.

Enfin, le niveau d’insatisfaction dans la fonction publique dépasse celui du secteur privé dans une fourchette comprise entre 10 et plus de 20 points sur chacun des critères.

Des perspectives d’évolution professionnelle en berne

Les cadres considèrent, depuis les 5 dernières années, que leur évolution professionnelle est marquée par la stagnation. Une situation qui se dégrade avec l’âge. En effet, seuls les jeunes de moins de 30 ans en poste concèdent avoir connu une évolution professionnelle positive. Pour les salariés âgés de 30 ans et plus, leur situation professionnelle décline avec l’âge. On constate un chômage massif – et durable – chez les seniors et le retour à l’emploi, s’il a lieu, s’effectue au prix de concessions salariales importantes.

Pour les années à venir, seuls les jeunes en poste de moins de 30 ans sont près de la moitié à penser avoir une évolution professionnelle positive (61 %). Dès la tranche 30-39 ans la vision est moins bonne.

La responsabilité du management tient une grande part dans ce constat. Ainsi, 44 % d’entre eux estiment que les pratiques managériales se sont aussi détériorées. Et c’est dans la Fonction publique d’Etat que la détérioration est jugée la plus forte (57,6 %). Une fois de plus, les femmes perçoivent plus que les hommes l’évolution négative des pratiques managériales (45,1 % vs 42,5 %).

Le système d’évaluation individuelle est largement rejeté pour manque de transparence (59,9 %) et parce qu’il n’est pas fondé sur les bons critères (67,9 %). Les critères de l’évaluation sont mis en cause ainsi que les méthodes managériales en décalage avec les attentes et les missions des cadres. Un ressentiment plus fort la fonction publique que dans le secteur privé.

Les critères de l’évaluation sont mis en cause ainsi que les méthodes managériales.

D’une manière plus générale, ces résultats révèlent le véritable objectif du système d’évaluation : associer les cadres à des choix de gestion sur lesquels ils n’ont pas la main. Cette négation de leur rôle, de leur place, de leur expertise professionnelle est contre-productive. Il est plus que temps de réhabiliter les cadres dans leur rôle contributif pour leur permettre d’exercer pleinement leur qualification.

L’analyse est confortée par les réponses apportées au questionnement sur l’association aux choix stratégiques et c’est toujours de manière écrasante (à 72,2 %), que les cadres ne se sentent pas associé-e-s aux choix stratégiques de la direction de leur entreprise ou administration.

L’éthique professionnelle mise à mal

Pour 54 % des cadres, les choix et pratiques de leur entreprise ou administration rentrent régulièrement en contradiction avec leur éthique professionnelle. Ce constat confirme la contradiction entre la stratégie menée par les directions d’entreprise ou d’administration et l’aspiration des cadres à pouvoir exercer professionnellement en respectant leur déontologie professionnelle pour donner du sens à leur travail.

Et les femmes déclarent être « souvent » en prise avec un problème d’éthique professionnelle de manière plus fréquente que les hommes.

L’éthique professionnelle semble davantage mise à mal dans la Fonction publique que dans le secteur privé (57,7 % vs 51,3 %). Et les femmes déclarent être « souvent » en prise avec un problème d’éthique professionnelle de manière plus fréquente que les hommes.

Obtenir de nouveaux droits et garantir les existants

Près de 60 % des cadres souhaitent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités, afin de pouvoir refuser de mettre en œuvre des directives contraires à leur éthique.

Cette aspiration est majoritaire dans la Fonction publique (55,5 %) et encore plus forte dans le secteur privé (60,1 %).

Pour l’Ugict-CGT, il est urgent de donner un statut protecteur à tout salarié rapportant des faits contraire à l’éthique ou à la déontologie professionnelle. L’exemple significatif des lanceurs d’alertes montre jusqu’où peuvent aller les atteintes à l’intérêt général et la vulnérabilité de ses salariés qui s’exposent pour faire prévaloir l’éthique et l’intérêt général.

L’Ugict-CGT porte cette proposition dans le cadre de la négociation sur le statut de l’encadrement.

Il convient aussi d’assurer un droit effectif à la déconnexion. Ainsi, 76 % des cadres indiquent utiliser pour un usage professionnel les technologies numériques sur leur temps personnel. Un phénomène largement répandu quels que soient la taille de l’entreprise et le secteur d’activité professionnel.

La norme de « disponibilité extensive » est favorisée par le management, le développement des forfait jours, et la mauvaise utilisation des outils numériques

Conséquence : une charge de travail qui explose, un temps de travail de plus en plus difficile à maîtriser, la sphère privée absorbée par la vie professionnelle pour la majorité des cadres, des charges de travail et des durées réelles de travail plus lourdes dans la Fonction publique  (64 % vs 61,2 %).

L’augmentation de la durée du temps de travail est également plus forte dans la Fonction publique par rapport au secteur privé (55 % vs 50,9 %).

Si près d’un cadre sur deux déclare travailler plus de 45 heures hebdomadaires, 25 % d’entre eux travaillent entre 45 et 48 heures, et 21 % travaillent 49 heures et plus par semaine.

Les cadres sont les salariés dont la durée du temps de travail augmente le plus. Cette propension va à l’encontre de leurs aspirations à plus d’équilibre entre leur vie privée et professionnelle, et à une meilleure qualité de vie au travail. Il est donc nécessaire de réinterroger les organisations du travail, le mode de management (délai de plus en plus court, objectifs de plus en plus déconnectés de la réalité,…), la charge de travail et son évaluation au regard des moyens dont on dispose.

Le débordement du travail sur la vie privée est caractérisé.

La norme de « disponibilité extensive » est favorisée par le management, le développement des forfait jours, et la mauvaise utilisation des outils numériques qui prolonge le lien de subordination au-delà de sa durée contractuelle.

L’enquête révèle que 57 % des cadres souhaitent disposer d’un droit à la déconnexion effectif. Cette aspiration est aujourd’hui majoritaire quel que soit la taille de l’entreprise et le secteur d’activité. Elle est plus forte chez les femmes que chez les hommes (59,5 % vs 55,1 %).

Un an après l’entrée en vigueur de la loi qui a introduit cette obligation de négociation, force est de constater, dans les faits, l’application de cette loi qui autorise l’employeur à s’en sortir avec une charte unilatérale à défaut d’accord.

Après avoir été la première organisation syndicale à tirer la sonnette d’alarme sur le travail numérique en dehors du temps et du lieu de travail des salarié.e.s et après avoir été à l’origine du débat public en France, l’Ugict-CGT va poursuivre sa bataille pour la réduction du temps de travail et la conquête de nouveaux droits à l’heure de la transformation numérique avec sa campagne « Construire le numérique autrement ».

La défense des droits

Les cadres comptent d’abord sur eux-mêmes pour se défendre. L’analyse par taille d’entreprise montre que le défaut d’implantation syndicale favorise l’approche individuelle. Ainsi, dans les petites entreprises de moins de 50 salarié·e·s, les cadres déclarent pour se défendre d’abord compter sur eux-mêmes (54 %) et placent les avocats (16,1 %) devant les syndicats (12,4 %). Alors que pour les entreprises de 200 salarié·e·s et plus, les syndicats passent devant les avocats. L’écart continue à s’accroître en faveur des syndicats avec la taille de l’entreprise.

Le déterminant de la présence syndicale se retrouve également en comparant les résultats entre le secteur privé et la Fonction publique. Les femmes font plus confiance aux syndicats que les hommes (26 % vs 24,3 %).

À noter également que la confiance dans les syndicats s’accroit avec l’âge : 19,1 % pour la tranche 18-29 ans à 26,8 % pour la tranche 40-49 ans.

 

Lien vers le site dédié à la négociation sur la définition et le statut de l’encadrement : ugict.cgt.fr/encadrement/

Lien vers le décryptage sur l’état de l’opinion dans l’encadrement en 2018 : ugict.cgt.fr/articles/references/opinions-et-attentes-des-cadres-au-travail

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