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Marine marchande : un constat alarmant

Les marins ont une espérance de vie inférieure de 5 ans à l’ensemble de la population.

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26 janvier 2018

Temps de lecture : 6 minutes

La mondialisation a entraîné le développement des transports maritimes, accompagné de méthodes de management identiques au monde de l’industrie ou des services. L’injonction de performance et de rentabilité y est aussi coercitive qu’à terre. S’ils sont moins connus, les métiers de la marine marchande ont évolué au même rythme que les autres secteurs de l’économie. Avec une spécificité : moins de 10 % de femmes contre 90 % d’hommes confinés dans un même espace pour de longues périodes. Le harcèlement sexuel y est courant.

Aujourd’hui, les marins s’expriment et s’appuient sur une étude  du Centre de recherche sur les liens sociaux (Ceris) pour formuler leurs revendications.

Les métiers de la marine marchande sont méconnus. En France, elle mobilise 22 000 emplois directs dont 16 000 navigants, 80 000 emplois indirects. Les compagnies nationales emploient 46 000 salariés à travers le monde (source Institut supérieur d’économie maritime (Isemar de Nantes Saint Nazaire). Une population divisée par 3 en 60 ans.

Depuis 30 ans, le secteur (transport de marchandises de personnes ou services portuaires) a connu de profondes évolutions économiques, sociales et culturelles. Ainsi en 2014, les femmes représentaient 9,5 % des salariés contre 90,5 % d’hommes. L’accélération des logiques de productivité, l’intensification des cadences, la réduction des « coûts » des équipages se sont traduit, comme dans l’ensemble du monde du travail, par des injonctions à l’efficacité, la formalisation de l’organisation du travail. Les salariés de la marine marchande vivent chaque jour cette logique de flux tendu et la rationalisation managériale de leur activité dont ils sont les premiers garants et acteurs de sa mise en œuvre.

A la demande de la CGT un rapport, démontre l’ampleur des risques et de la pénibilité auxquels est exposé l’ensemble des personnels navigants

Cette recherche réalise un état des lieux approfondi des pénibilités — et de leurs facteurs d’émergence — vécues par les marins de commerce à bord des navires.

À partir d’un questionnaire, auprès  745 hommes et de femmes marins de commerce, d’observations et d’entretiens réalisés à bord de navires, l’étude précise l’influence des facteurs environnementaux et organisationnels sur la pénibilité au travail. Elle révèle comment les spécificités de l’activité de marin (environnement mouvant, poids de la hiérarchie, surreprésentation masculine, travail de nuit, temporalité des embarquements, éloignement familial, exiguïté du lieu de travail, enfermement…) constituent des facteurs exposant les marins à des pénibilités physiques et psychologiques.

Ce travail de recherche montre également combien l’intensification des rythmes de travail, les contraintes commerciales, les exigences managériales et les injonctions réglementaires pèsent sur le quotidien des marins, les exposent à des risques psychosociaux et favorisent l’apparition de phénomènes de violence.

La seconde partie de cette recherche s’attache à dresser un panorama de ces violences et des agressions au travail, en s’intéressant particulièrement aux agressions à caractère sexuel. L’enquête réalisée montre que les femmes, qui représentent seulement 9,5 % de la population des marins de commerce, sont ici surexposées. Les formes prises par ces violences vont de la blague grivoise jusqu’au viol en passant par des gestes déplacés. Leur virulence témoigne d’un « sexisme embarqué » particulièrement ancré, multiforme, plus ou moins visible ou explicite. C’est d’ailleurs un des apports de l’étude de montrer et de quantifier les voies d’expression de ces comportements masculins hostiles.

En conclusion du rapport d’étude, une série de recommandations est formulée et de nouvelles pistes de recherche sont tracées en vue d’améliorer les conditions de travail et de vie des navigants au transport maritime.

La CGT revendique donc que des mesure de préventions soient mises en place sur le stress, le temps de travail, les violences sexuelles, les accidents du travail à partir des constats suivants :

  • Des situations de stress de plus en plus fréquentes : 77,7 % des marins déclarent travailler dans l’urgence et 11 % affirment que c’est le cas systématiquement.
  • Un temps de travail très élevé et en horaires décalés : il peut atteindre réglementairement 72h sur 7 jour, voire 84h si le travail se fait en cycle ; les horaires sont en général fractionnés avec un travail par quart et du travail de nuit et également suivant les escales du Les marins estiment que cette durée maximale règlementaire est souvent dépassée.
  • Des violences sexistes et sexuelles permanentes : 36 % des navigantes disent avoir fait l’objet de « gestes déplacés  », relevant pour l’essentiel d’agressions sexuelles ou de harcèlement sexuel.
  • Des accidents du travail fréquents : 30 % des officiers et 48 % des personnels d’exécution ont déjà déclaré un accident du travail au cours de leur carrière. Chaque année 6,7 % des marins déclarent un accident du travail contre 3,4 % des salariés en moyenne

Les conditions de travail se sont dégradées, sous la pression de l’exigence de performances financières, de la réduction des temps d’escales de la diminution d’effectifs et de l’internationalisation des équipages. Les marins ont une espérance de vie inférieure de 5 ans à l’ensemble de la population.

Il s’agit d’une question de santé publique mais aussi de sécurité des navires.

La CGT exige donc l’ouverture de négociations sur tous ces points avec les pouvoirs publics et les armateurs.

Elle demande :

  • le renforcement des contrôles des autorités portuaires pour garantir le respect de la règlementation en matière de droit du travail ;
  • une réduction du temps de travail (limitation  des  durées  maximales d’embarquement et des durées maximum de travail, augmentation des temps de repos…) et une augmentation des effectifs ;
  • la mise en place d’une heure de sensibilisation annuelle obligatoire pour tous les marins sur les violences sexistes et sexuelles, et de référent-e-s formé-e-s, élu-e-s par les salarié-e-s pour accompagner les victimes dans leurs démarches ;
  • la mise en place de formation et de soutiens psychologiques pour les marins confronté-e-s à des risques particuliers : piraterie, contact avec les passagers, gestion de crises… ;
  • l’amélioration du dialogue avec les armements pour que les demandes de sécurité, de maintenance et d’organisation du travail des bords priment sur les politiques de réduction des coûts ;
  • le maintien des CHSCT indépendants ;
  • le maintien du régime spécial de retraite des marins.

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