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Réformer l’impôt pour le réhabiliter

Article publié dans l’édition de Janvier 2019 de la NVO , le magazine des militants de la CGT.

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31 janvier 2019

Temps de lecture : 6 minutes

Le mouvement des gilets jaunes a mis au jour l’injustice du système fiscal français. Le motif initial de la taxation des carburants a ainsi permis de reposer la question d’une fiscalité écologique mal pensée et socialement injuste. Et interroge plus 
largement sur la répartition inégale des prélèvements.

« On est arrivés au bout d’un système intenable, incompris, illisible et injuste. Tous les ingrédients d’une fronde antifiscale sont réunis du fait des évolutions de notre fiscalité depuis trente-cinq ans  » , s’alarme Alexandre Derigny, secrétaire général de la Fédération des finances CGT. De fait, notre système fiscal est injuste car il est presque exclusivement proportionnel aux revenus (cotisations sociales et CSG) ou à la dépense (TVA et taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, notamment), ainsi que l’analyse l’Observatoire des inégalités.

«  Les impôts sur la consommation représentent près d’un cinquième des recettes, soit trois fois plus que celui sur le revenu, détaille Alexandre Derigny. […] Or, plus le niveau de vie augmente, plus la part de la consommation diminue dans le revenu au profit de l’épargne. En conséquence, ce type d’impôts rapportés au revenu représente une part propor­tionnellement plus faible pour les plus aisés. […] Les taxes ciblées sur certains produits, comme les carburants, pénalisent ceux qui les consomment sans tenir compte de leur niveau de revenu.  »

L’impôt progressif ne représente donc qu’une très faible part de l’ensemble des impôts. Or, c’est pourtant sur cette progressivité de l’impôt que se fonde notamment la République depuis 1789. Le souci de justice et d’efficacité devrait donc conduire à taxer à un taux moins élevé ceux dont les revenus sont les plus faibles.

Bercy joue avec le feu

C’est dans ce contexte de perception très dégradée de l’impôt par les citoyens que le gouvernement a néanmoins décidé de persister dans la mise en œuvre du prélèvement à la source qui va prendre effet sur les fiches de paie fin janvier 2019. Cette réforme ne concerne que le paiement de l’impôt, mais elle risque d’annuler toute perception d’évolution positive du net à payer en bas du bulletin de salaire ou du relevé de pension. Dans ce climat de fortes tensions sociales sur la fiscalité et le pouvoir d’achat, « c’est véritablement jouer avec le feu » , s’inquiète le responsable fédéral. Lequel redoute que « les citoyens retournent leur colère contre les agents des finances publiques plutôt que contre le gouvernement  » . D’autant que depuis des mois, la CGT finances alerte sur les risques de multiplication des contentieux fiscaux auxquels devra faire face une administration exsangue.

Rendre aux citoyens le débat et le contrôle sur la fiscalité

Le besoin d’une réforme de l’impôt est donc plus que jamais d’actualité. « Il faut d’abord une réforme démocratique de la fiscalité. Il faut rendre aux citoyens le débat sur l’impôt, sa répartition, son utilisation » , estime Alexandre Derigny. Par exemple, en donnant aux salariés un pouvoir de contrôle sur l’utilisation par les entreprises des aides publiques, au regard de leurs politiques d’optimisation fiscale.

«  Il faut aussi revenir à l’esprit de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour que chacun contribue à hauteur de ses facultés », poursuit le secrétaire général de la CGT finances pour qui « les citoyens doivent siffler la fin de la récré  » . Et ce, afin de sortir d’un système où les trois quarts des recettes de l’État sont prélevées par des taxes qui pèsent plus sur ceux qui ont le moins. « C’est peut-être ça qui se joue à travers le mouvement social des gilets jaunes  », analyse Alexandre Derigny.


Favoriser l’application 
d’impôts plus progressifs

« Renverser les logiques qui sont à l’œuvre dans le système fiscal » passe à titre d’exemple, pour la CGT finances, par une diminution du poids des taxes proportionnelles, par une baisse du taux normal de la TVA de 20 à 15 % et sa suppression sur les produits de première nécessité. Pour que le système soit plus juste, la fédération propose aussi de favoriser l’application d’impôts progressifs taxant tous les contribuables suivant leurs ressources, en augmentant le taux pour les plus hauts revenus.

Mais si l’impôt sur les revenus apparaît a priori moins injuste que les taxes proportionnelles, il a cependant été très malmené ces trente-cinq dernières années par la multiplication des niches fiscales qui permettent, là encore, aux plus riches d’échapper à l’effort contributif.
Selon la Cour des comptes, ces niches fiscales et les mesures d’optimisation coûtent quelque 150 milliards d’euros par an à l’État, rappelle. Sans que jamais il ait été apporté la preuve d’une quelconque utilité de ces niches pour la collectivité en termes d’incitation économique, d’utilité sociale ou environnementale.
Alexandre Derigny, secrétaire général de la Fédération des finances CGT

Un grand tri sélectif est donc à entreprendre dans cette kyrielle de niches inutiles mais coûteuses. D’autant que ces 150 milliards d’euros de manque à gagner sont à mettre en rapport avec les 83 milliards d’euros de déficit du budget de l’État français en 2018. La CGT propose de taxer plus fortement les revenus du capital que ceux du travail, et plaide pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières.

Elle milite également pour une fiscalité incitative, «  mais, précise Alexandre Derigny, il faut tourner le dos à la logique des crédits d’impôt, comme le CICE, versés sans contrôle et sans effets sur l’emploi, l’environnement ou les salaires. Il faudrait au contraire faire varier l’impôt sur les sociétés pour favoriser les comportements responsables et vertueux et, à l’inverse, pénaliser les stratégies de financiarisation. Si on prenait ces chemins, on commencerait à réhabiliter la fiscalité aux yeux des citoyens, car sans le consentement à l’impôt, il n’y a pas de système fiscal soutenable ». De quoi alors nous « faire aimer l’impôt », comme le souligne un tract de la CGT finances.

 

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