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Un statut de l’encadrement en danger pour une population en pleine mutation

Vers un nouveau statut de travail salarié

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22 mars 2018

Temps de lecture : 4 minutes

 

« Le Medef n’est pas l ‘ami des statuts » affirme Sylvie Durand de l’Ugict-CGT, en ouverture de cette seconde table ronde du 18e congrès de l’Ugict-CGT. En effet, après une seconde séance de négociations sur le statut de l’encadrement, au sens large, le syndicat de Pierre Gattaz réaffirme son ambition : en finir avec cette « spécificité française ». Pourtant quel que soit le pays, la reconnaissance de l’encadrement existe sous une forme ou une autre. Imagine-t-on Volkswagen, puisque l’exemple allemand reste une référence, concevoir et produire sans ingénieurs cadres et techniciens ? C’est ce que confirme Paulo Terranova, président des cadres de la Confédération générale italienne du travail (CGIL).

Un salariat en mutation

Pour Jean-Marie Marx, directeur de l’APEC, la structure de la catégorie cadres, s’est profondément modifiée depuis 30 ans. Leur nombre a été multiplié par 2 alors que, au cours de la même période, le nombre de non cadres s’est accru de 20 à 30 % dans le secteur privé. Aujourd’hui, les cadres restent incontournables : ils sont de plus en plus sollicités pour mettre en place deux transitions majeures, la transition numérique et la transition énergétique.

Leurs professions se sont aussi féminisées avec un accroissement du nombre de femmes cadres de 30 % en 20 ans, mais celles–ci restent concentrées traditionnellement dans quelques secteurs de l’économie (social, médecine, enseignement etc.) alors que leur qualification est en moyenne supérieure à celle de leurs confrères masculins, pour des salaires inférieurs.

Pour Jean-Marie Marx, l’année 2018 sera marquée par des difficultés de recrutement, les prévisions font état de 250 000 à 260 000 embauches (+100 000 en dix ans). Il souligne cependant que les obstacles se situent aux extrémités de la pyramide des âges. D’une part pour les seniors qui constituent un fort bataillon de chômeurs longue durée et les jeunes diplômés qui attendent de plus en plus longtemps à la porte des entreprises. Il note aussi la grande disparité en fonction des secteurs économiques : 10 % de cadres dans le secteur agroalimentaire, 20 % dans l’industrie, 40 % dans la banque et l’assurance et de 90 à 100 % dans les services notamment l’informatique. Une population qui se concentre aussi dans les 17 grandes métropoles. Un paradoxe alors que le numérique et ses outils devraient permettre un éloignement des lieux de travail, un étalement dans les territoires.

Un statut réduit eux seuls encadrants

Le Président de l’Apec, lui aussi, s’interroge sur les intentions du Medef « qui voudrait restreindre le statut au encadrants » alors qu’ils ne représentent que 40 % de cette population. Les chefs de projets par exemple n’ont-ils pas de responsabilités suffisantes pour rester dans cette catégorie ?

L’attractivité du statut cadre, note aussi Jean Marie-Marx est déjà bien entamée. De nombreux salariés hésitent à sauter le pas devant les contraintes des responsabilités et l’équilibre sacrifié entre vie professionnelle et vie privée. Pour parfaire le tableau, seuls 26 % d’entre eux déclarent être consultés sur la vie de l’entreprise. Les postulants devraient donc allier management de projet et management hiérarchique, expertises et poly-compétences multiples dans des équipes éclatées et intergénérationnelles. Le management devient très compliqué souligne le Président de l’Apec, d’autant que les conditions de travail continuent à se dégrader, que la charge de travail a bondi de 50 %. Il est temps d’interroger les entreprises.

Réparer la fragmentation du travail

En Italie, explique Paolo Terranova, la situation est identique. Alors que les entreprises mettent en avant le management horizontal, elles externalisent de plus en plus souvent leurs cadres en les poussant à utiliser un équivalent du statut d’auto entrepreneur. « Certains se retrouvent consultant dans leur propre entreprise » ironise le Président de la CGIL. Cette confusion entre indépendants et salariés devient de plus en plus prégnante. Pour contrer la stratégie patronale de division du monde du travail « la tâche du syndicat est de réparer cette fragmentation » déclare Paolo Terranova. Le syndicat italien a d’ailleurs déposé une proposition de loi sous forme d’une charte du droit universel du travail, pour assurer à tous la couverture santé, le droit à la formation et à la retraite avec des applications spécifiques en fonction des situations. Cette proposition fait écho à notre repère revendicatif de nouveau statut du travail salarié.

La CGIL n’en reste pas là et des liens ont été tissés en Espagne auprès des salariés d’Amazon et aujourd’hui avec l’Ugict-CGT pour son 18e congrès.

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