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Comment définanciariser l’entreprise ?

La réponse en podcasts

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Près de 10 ans après la crise des subprimes qui a causé la plus grande récession économique mondiale, force est de constater que les Spin Doctors ont encore mis en œuvre la stratégie du choc. Causée par les bulles spéculatives et la dérégulation des marchés financiers lancée par Thatcher et Reagan, la crise a été utilisée pour imposer des saignées sociales. La vraie question, celle de la définanciarisation de l’économie, de l’entreprise et du travail, n’est pas posée et une nouvelle crise peut éclater. 63 000 faillites d’entreprises en France en 2015 et une distribution record de dividendes, ces deux chiffres trop rarement rapprochés diagnostiquent l’asphyxie de notre économie par le coût du capital des multinationales.
Afin de répondre aux nombreuses questions que pose la financiarisation des entreprises, les Rencontres D’options ont souhaité donner la parole à différentes personnalités : syndicalistes, chefs d’entreprises, chercheurs… Vous retrouverez ci-dessous leurs interventions.

 

État des lieux : Globalisation, financiarisation de l’entreprise, financiarisation du travail et du management

 

  • Laurent Cordonnier, économiste du CLERSE (Lille 1) coordinateur de l’étude sur le Coût du capital
La financiarisation de l’entreprise

Laurent Cordonnier présente une étude financée en partie par la CGT, qui démontre comment entre 1961 et 2012, l’entreprise est tombée sous la coupe du pouvoir actionnarial avec d’énormes conséquences sur le management, la prise de décisions stratégiques et la généralisation de la « bonne gouvernance ». Un processus qui touche toutes les entreprises, grands groupes, ETI Pme/Pmi et aboutit à la disparition es projets d’investissements productifs à 2 % au profit des exigences financières à 15 %.

 

 

  • Thierry Bodin, DSC CGT de Sanofi
Témoignage d’un syndicat sur la financiarisation de son entreprise

Thierry Bodin, avec minutie et méthode, analyse la politique stratégique de Sanofi, la deuxième entreprise pharmaceutique d’Europe avec un chiffre d’affaire mondial de 34 milliards d’euros, qui conduit son Conseil d’administration à choisir le désinvestissement des activités qui font sa finalité : trouver des traitements pour les malades et développer la recherche. Quinze sites ont été cédés ou supprimés, 6 200 emplois perdus. En 7 ans les actionnaires se sont partagés 40 milliards d’euros…

 

 

  • Eva Joly, députée européenne
Quand les multinationales dirigent le monde, mondialisation et globalisation ?

La député européenne revient sur la domination des multinationales, les rapports Nord/Sud, dénonce le pillage de l’Afrique en s’appuyant sur des exemples comme la Zambie, le Mali, le Niger, sur les subterfuges que les groupes internationaux utilisent pour dissimuler leurs profits dans les paradis fiscaux. Pour Eva Joly, la surexploitation des matières premières aboutit à l’enrichissement des fonds de pensions US. Elle pointe aussi le non-respect des règles de l’OIT.

Elle revient sur l’épisode Luxleaks, le rôle du Luxembourg qui « vole le produit fiscal des pays européens et africains ». La députée européenne propose une réponse à ces mécanismes universels : taxer chaque multinationale comme une seule entité avec un impôts standardisé pour toute l’Union européenne.

 

 

Quelles initiatives pour reprendre le pouvoir face aux actionnaires ?

 

  • Anthony Gratacos, PDG de Gratacos Père et fils, entreprise de transport
Comment tenir face aux multinationales ?

Ce chef d’entreprise, à la démarche atypique, explique pourquoi, il a délibérément choisi une politique de rupture dans ses options sociales, économiques et environnementales à long terme. Il réussit ainsi le tour de force de se séparer de Google, l’outil essentiel de son référencement et pourvoyeur de clients, en développant une stratégie maîtrisée des réseaux sociaux. Il détaille comment, grâce à la recherche de logiciels en open sources conçus dans des structures collaboratives, il a délaissé les grands fournisseurs de logiciels. Un choix éthique qui lui a permis de réaliser des économies immédiates. Quant au financement de son entreprise, il s’appuie sur le Crédit coopératif qui affiche des valeurs éthiques ou encore sur le crédit participatif pour l’achat de véhicules. Un choix politique et militant.

 

 

  • Bruno Arasa, Directeur général d’Hélio Corbeil, imprimerie
Comment passer de syndicaliste à directeur général de son entreprise ?

Comment faire pour qu’un projet alternatif soit viable dans un environnement économique capitaliste ? Le statut de scop est-il encore un frein ? Les salariés de l’imprimerie ont choisi en 2012 ce statut. Aujourd’hui, l’entreprise affiche un chiffre d’affaire de 14,5 millions d’euros et emploie une centaine de salariés. Pour Bruno Arasa, délégué syndical devenu Pdg, Hélio Corbeil résiste, mais est en mise en danger car en tant que sous-traitant et prestataire de services, l’entreprise reste soumise aux règles du jeu du marché : appel d’offres que le moins disant sur les prix emporte. En ce qui concerne le fonctionnement interne, la transition a enrichi et diversifié les échanges entre tous les salariés. Cependant si les statuts affichent le zéro dividende, le rôle de « l’actionnaire » reste sous-jacent, par le biais de la part travail et de la destination des résultats et les rôles des différents acteurs sociaux restent caractérisés par les postures antérieures. Le rôle des IRP demande en outre à être étudié. Bruno Asara admet aussi que le projet d’entreprise n’a pas été assez concerté.

 

 

  • Laurent Trombini, coordinateur CGT Thalès
Quels projets industriels portés par les salariés ?
 Quel rôle des ICT sur les enjeux stratégiques et dans les projets de reprise ?

Voici l’initiative atypique de salariés de Thales, groupe tourné vers l’armement avec 35 000 salariés en France (70 000 dans le monde). Un chiffre d’affaire de 17 milliards d’euros, qui s’est donné pour objectif de mettre en place un projet industriel, une division spécifique tournée vers le médical. Une réponse à la décision envisagée de la fermeture de deux unités de Grenoble. Construite avec la CGT, elle prouve qu’un projet alternatif doit s’installer dans la durée. Ils sont au milieu du gué, mais sont conscients qu’ils répondent aux besoins de santé.

 

 

  • Brigitte Jonon, administratrice salariée La Poste
Quelle stratégie de l’État actionnaire ? Quels leviers d’action pour les administrateurs salariés ?

L’État a-t-il toujours pour ambition la défense du service de proximité ? Les administrateurs peuvent–ils jouer le rôle de lanceur d’alerte. Brigitte Jonon siège au CA composé de 21 administrateurs dont bon nombre ne savent pas ce qu’est un bureau de poste. Coincée entre son devoir de réserve et son éthique, elle insiste sur le rôle essentiel de sa fédération, la Fapt, dans l’information en direction des salariés. Elle déplore pour les dossiers traités en CA la priorité donnée aux informations financières et le peu de place accordée aux conséquences humaines qui en découlent. Un témoignage au cœur du système.

 

 

  • Anne de Haro, Ugict-CGT
Quelles stratégies syndicales pour définanciariser l’entreprise ?

De quels moyens les organisations syndicales disposent-elles pour mener une action contre l’optimisation fiscale ? Anne de Haro nous propose un voyage au cœur de la financiarisation des entreprises. Rédactrice chez Wolters Kluwer, elle nous explique comment cette société, sans histoire, dissimulait des dispositifs financiers destinés à réduire la masse salariale et à échapper au fisc en France, notamment au moyen de LBO « incestueux » (l’entreprise emprunte à elle-même à des taux majorés). Elle nous explique comment les salariés, en ne jouant que le rôle qu’on leur attribue, se sont « fait avoir ». Elle nous met en garde : « arrêtons de ronronner en ne veillant qu’à la bonne application du droit du travail pour prendre les sociétés à bras le corps, le droit des sociétés et le droit fiscal, comme il en est question dans la formation de l’Ugict-CGT sur « les déterminants de l’entreprise et du management ». Développons une stratégie radicale et transgressive. Une intervention argumentée et décapante.

 

 

Quel nouveau statut pour l’entreprise, quels nouveaux droits pour les salariés ?

 

  • Kevin Levillain, enseignant-chercheur à Mines ParisTech
Quel nouveau statut pour l’entreprise ?

Entreprise ou société. Si l’entreprise n’a pas encore de statut juridique, de nombreux travaux notamment à l’Ecole des Mines et au Collège des Bernardins tentent d’ouvrir des pistes pour une définition d’un contrat d’entreprise en requalifiant le projet avec une création de biens communs et d’innovations de statut des dirigeants. Il s’agit aussi de découpler les objectifs de l’entreprise de ceux qui la contrôle pour aboutir à une société à objet social étendu.

 

 

  • Christophe Chevalier, porte-parole d’Ecopla
Quels droits pour permettre aux salariés de reprendre leur entreprise ?

Histoire d’une scop qui n’a malheureusement pas vu le jour malgré un savoir-faire d’un demi-siècle dans le domaine de la fabrication de barquettes en aluminium destinées à l’agroalimentaire. Le tribunal a préféré la proposition d’un repreneur italien au projet de scop, pourtant appuyé sur 3 millions d’euros. Si le projet est abandonné, ils ne désespèrent pas de proposer une « loi Ecopla » de reprise en coopérative, avec Union régionale des scops, qui statuerait sur une égalité de traitement par les tribunaux de commerce ; la consultation jusqu’au bout des IRP ; de remettre l’emploi, le commun et le savoir au centre de la procédure.

 

 

  • Marie-Claire Cailletaud, dirigeante confédérale CGT en charge de l’industrie
Quelles propositions pour financer l’économie réelle et relancer l’industrie ?

Marie-Claire Cailletaud replace dans le contexte l’ensemble des propositions de la CGT pour revaloriser l’économie réelle et l’industrie. Elle rappelle les grands axes de la réindustrialisation de la France qui ont fait l’objet de réflexions au cours des Assises de l’industrie le 22 février 2017 et qui visent à renforcer le rapport de force et aboutir à des lois concrètes. Le projet : multiplier par deux la production industrielle en 10 ans ; la création d’un bouclier anti dumping social et environnemental ; augmentation du financement de la recherche ; augmentation des investissements privés et publics ; remise à plat de l’organisation et du contenu du travail, plutôt le plein emploi que le revenu universel …

 

 

  • Sébastien Rouchon, directeur de Rouchon Paris, exploitation de studios photos en Seine-Saint-Denis
Quel statut pour les dirigeants d’entreprise ?

Membre du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), Sébastien Rouchon tient à mettre les choses au clair : le CJD défend l’entreprise et non pas les chefs d’entreprise et réprouve la vision court termiste de la rentabilité. Il met l’accent avant tout sur les difficultés que rencontrent les TPE/PME « Elles sont le ventre mou du financement » constate-t-il. Leur sous capitalisation et l’isolement en font des proies faciles pour les grands groupes ou les fonds de pension.
Il plaide pour des droits nouveaux dans l’entreprise, tout en admettant qu’il existe des freins non seulement au niveau des chefs d’entreprise, mais aussi des collaborateurs, comme les cadres qui craignent de voir leurs responsabilités diluées.

 

  • Denis Durand, économiste à la Banque de France, membre du pôle économique de la CGT
Quel financement de l’économie réelle ?

« Emanciper l’entreprise de la dictature des marchés financiers » dans son intervention dynamique, Denis Durand pointe les risques, pour les entreprises, de la croissance continue des marchés financiers qui prêtent des capitaux existants, qui demandent un rendement immédiat. Il l’oppose aux financements bancaires où les établissements créent l’argent qu’ils prêtent. Il rappelle les propositions institutionnelles de la CGT, notamment le fond régional d’investissement, le Pôle financier public. Pour lui « si on est capable de défendre des projets créateurs d’emploi, de valeur ajoutée, de relancer la capacité à créer des richesses et protéger l’environnement, ni les banques, ni les pouvoirs publics, ni la BCE n’auront de prétexte pour refuser le financement des projets », dit-elle.

 

 

  • Sophie Binet, Secrétaire générale adjointe Ugict-CGT

Sophie Binet constate la richesse des débats de ces Rencontres d’Options. Elle déplore une nouvelle fois le recul du politique qui a délégué au patronat les enjeux de l’emploi, un partage des rôles dangereux. Elle affirme que pour l’Ugict-CGT s’intéresser aux enjeux de la gestion des entreprises est déterminant et qu’il faut permettre aux salariés d’exercer leurs responsabilités entières et leur professionnalisme. Sophie Binet présente le manifeste pour « définanciariser l’entreprise et restaurer le rôle contributif de l’encadrement » qui propose un droit d’alerte, de refus et d’alternative ; le renforcement des droit collectifs notamment pour les IRP et la définanciarisation des directions. « Ne pas laisser les affaires du monde au monde des affaires ».

 

Perpectives

 

  • Marie-José Kotlicki, Secrétaire générale Ugict-CGT

Reprenant les idées fortes de ces Rencontres d’Options, Marie-José Kotlicki insiste sur la nécessité d’une nouvelle dynamique industrielle qui doit prendre en compte la raréfaction des ressources naturelles, répondre aux besoins sociaux et réinvestir l’appareil productif. Il s’agit aussi de retrouver la finalité sociale du travail. La prochaine négociation sur le statut cadres devra pendre en compte ces impératifs. La secrétaire général de l’Ugict-CGT insiste sur la nécessité d’élargir le périmètre du statut à l’ensemble des salariés qualifiés. Elle revient sur la campagne « le numérique autrement » car il faut s’emparer de la révolution numérique. Elle énumère les propositions à mettre en œuvre pour répondre aux aspirations sociales : favoriser l’autonomie au travail, retrouver le sens du travail, permettre la montée en puissance des qualifications, restaurer un vrai rapport au travail.

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